Leibniz 3.5.1 Allocation optimale du temps libre : quand le TMT rencontre le TMS
Alexei veut obtenir une note aussi élevée que possible à son examen tout en sacrifiant le moins possible son temps libre. Nous avons vu graphiquement qu’il maximise son utilité en choisissant le point où une courbe d’indifférence est tangente à la frontière des possibles et où le taux marginal de substitution (TMS) est égal au taux marginal de transformation (TMT). Dans ce supplément Leibniz nous montrons de quelle manière formuler mathématiquement la décision d’Alexei en un problème d’optimisation sous contrainte, et comment le résoudre pour trouver la combinaison optimale de note et de temps libre.
Le choix optimal de temps libre d’Alexei est illustré dans la Figure 1 ci-dessous. Elle montre son ensemble des possibles et ses courbes d’indifférence. L’optimum est atteint au point E sur la frontière des possibles, où la frontière a la même pente que la courbe d’indifférence.

Figure 1 Le choix optimal d’Alexei de temps libre et de note à l’examen.
La fonction d’utilité d’Alexei est : l’utilité dépend positivement des heures de temps libre t et de la note à l’examen y. Il souhaite maximiser son utilité sous la contrainte imposée par son ensemble des possibles de notes et de temps libre. Comme dans le supplément Leibniz 3.4.1, si la fonction de production est , où h correspond aux heures d’étude, l’équation de la frontière des possibles est :
Ainsi, le problème d’Alexei est de choisir t et y pour maximiser , sous la contrainte .
- problème d’optimisation sous contrainte
- Problèmes dans lesquels une personne doit choisir la quantité d’une ou plusieurs variables afin de réaliser un objectif (tel que maximiser son profit) sous une contrainte déterminant l’ensemble des possibles (comme la courbe de demande).
C’est un exemple de ce qui est connu en mathématiques comme un problème d’optimisation sous contrainte. Parfois dans ce type de problème, la contrainte est une inégalité : , ce qui peut être interprété comme le fait que le choix doit faire partie de l’ensemble des possibles. Cependant comme son utilité dépend positivement de et de , nous savons qu’il veut choisir un point sur la frontière. Nous pouvons donc écrire la contrainte comme une équation, ce qui facilite la résolution mathématique du problème.
Une manière de résoudre le problème d’Alexei consiste à utiliser la contrainte pour exprimer en fonction de et la substituer dans la fonction d’utilité. L’utilité est alors exprimée comme une fonction de la seule variable :
qui peut être maximisée par rapport à en égalisant sa dérivée à zéro. Cette dérivée est la dérivée totale de l’utilité par rapport à , qui peut être calculée de la manière habituelle en utilisant la règle de dérivation en chaîne :
Le terme à droite est calculé en dérivant la fonction de production :
par la règle des fonctions composées, d’où
Cette équation dit que lorsque l’on se déplace le long de la frontière des possibles vers une augmentation de t, l’effet net sur l’utilité est le résultat de l’effet direct d’un surcroît de temps libre, qui, bien sûr, est positif, et de l’effet négatif indirect d’une note plus faible à l’examen.
Au point qui résout le problème de maximisation d’Alexei, . D’où en ce point optimal :
Les deux effets sur l’utilité mentionnés dans le paragraphe précédent ont une interprétation évidente : au point optimal, l’effet positif d’un peu plus de temps libre et l’effet négatif d’une note à l’examen un peu moins bonne se compensent mutuellement.
En réarrangeant la dernière équation, nous voyons que
au point optimal. L’expression de gauche est la valeur absolue de la pente de la frontière des possibles, que nous avons appelée le taux marginal de transformation (TMT) dans le Leibniz 3.4.1. Comme nous l’avons vu dans le Leibniz 3.2.1, l’expression de droite correspond à la valeur absolue de la pente de la courbe d’indifférence, que nous avons appelée le taux marginal de substitution (TMS). Ainsi, au point optimal les pentes sont égales, comme dans la Figure 1. En d’autres mots,
Cette égalité est appelée la condition de premier ordre pour l’optimisation, puisqu’elle a été obtenue en égalisant une dérivée première (dans ce cas la dérivée totale ) à zéro. Puisqu’une grande partie de l’économie est constituée de problèmes d’optimisation sous contrainte, vous retrouverez des conditions similaires dans d’autres suppléments Leibniz par la suite.
Souvenez-vous que nous voulons trouver les valeurs de t et de y qui maximisent l’utilité d’Alexei. Jusqu’à maintenant nous avons montré que les valeurs t et de y que nous cherchons doivent satisfaire la condition de premier ordre. Pour résoudre le problème entièrement et trouver les valeurs optimales, nous devons remarquer qu’elles doivent aussi être sur la frontière des possibles. Nous avons donc une paire d’équations simultanées :
que et doivent satisfaire. Dans la prochaine section, nous dériverons ces équations pour des fonctions d’utilité et de production spécifiques, et nous les résoudrons afin de trouver les valeurs optimales de t et y.
Pour en savoir plus : Sections 8.1 à 8.3 pour la maximisation et Section 14.2 pour la distinction entre dérivées totale et partielle, dans Malcolm Pemberton and Nicholas Rau. 2015. Mathematics for economists: An introductory textbook, 4th ed. Manchester: Manchester University Press
Allocation optimale du temps libre : un exemple
Nous illustrons à présent les principes de la section précédente avec des fonctions de production et d’utilité spécifiques.
- contrainte budgétaire
- Une équation qui représente l’ensemble des combinaisons de biens et de services qu’un individu pourrait obtenir en mobilisant toutes ses ressources budgétaires.
Le problème d’optimisation sous contrainte a deux parties : la fonction objective, qui décrit l’utilité qu’Alexei veut maximiser, et la contrainte, qui dans ce cas est la fonction de production de la note à l’examen d’Alexei.
Nous supposons comme dans le Leibniz 3.2.1 qu’Alexei a une fonction d’utilité de type Cobb-Douglas :
où et sont des constantes positives. (Nous utilisons a et b au lieu de et parce que sera utilisé dans la fonction de production.)
Comme dans le Leibniz 3.1.1, nous supposons que la relation qui décrit comment Alexei transforme des heures d’étude h en note à l’examen y est :
où et sont des constantes positives et . Aussi, comme avant, nous pouvons écrire cette fonction en termes d’heures de temps libre , puisque . En faisant cela, et en supposant pour simplifier que , nous pouvons voir que :
C’est l’équation de la frontière des possibles.
Le problème d’Alexei consiste à choisir t et y pour maximiser , sous la contrainte :
La section précédente nous donne deux manières de résoudre ce problème : nous pouvons soit utiliser la méthode de substitution, soit appliquer la formule. Nous ferons la démonstration des deux méthodes et confirmeront qu’elles donnent le même résultat.
Appliquer la formule
Par « la formule » nous voulons dire la condition de premier ordre . Nous savons que la solution au problème doit satisfaire la condition, donc nous calculons le TMT de la frontière des possibles et le TMS de la fonction d’utilité et nous égalisons les deux.
Comme nous l’avons vu dans le Leibniz 3.4.1, le TMT correspond à la valeur absolue de la pente de la frontière des possibles. En utilisant l’équation ci-dessus pour la frontière :
Nous avons également montré dans le Leibniz 3.2.1 que le TMS correspond au ratio des utilités marginales. On trouve les utilités marginales en dérivant la fonction d’utilité :
Ainsi le TMS est donné par :
En égalisant TMT et TMS et en multipliant par ,
En résolvant cette équation pour t, nous obtenons que , où . En substituant cela dans la fonction de production nous obtenons la solution complète au problème d’Alexei :
Ce sont les valeurs de t et y qui donnent à Alexei l’utilité la plus élevée qu’il puisse obtenir dans l’ensemble des possibles.
Utiliser la méthode de substitution
La méthode consiste à substituer la contrainte dans la fonction objective pour en faire une fonction de seulement une variable et à maximiser cette fonction. Lorsque nous substituons la contrainte dans la fonction d’utilité, nous obtenons une expression pour l’utilité en tant que fonction seulement de t :
Pour maximiser U, nous calculons et l’égalisons à zéro. En utilisant la règle des produits,
Comme dans l’analyse générale de la section précédente, cela exprime l’effet net sur l’utilité d’une hausse de t comme le résultat d’un effet positif direct et de l’effet négatif d’une moins bonne note à l’examen.
En égalisant à zéro et en divisant l’équation résultante par , nous voyons que . En réarrangeant,
C’est la même équation pour t que nous avions obtenue en utilisant et le reste de la solution se dérive comme précédemment.
Pour en savoir plus : Sections 8.1 et 8.3 dans Malcolm Pemberton and Nicholas Rau. 2015. Mathematics for economists: An introductory textbook, 4th ed. Manchester: Manchester University Press.